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La norme IFRS 16 pourrait-elle entraîner une réduction de la durée des baux commerciaux ?

28 May 2018

Interview de Jean-Claude Dubois, Président, BNP Paribas Real Estate Valuation France


Dans quelle mesure la norme IFRS 16 va-t-elle impacter la fiscalité des contrats de location en crédit bail ?

La norme IFRS 16 aura davantage une incidence comptable que fiscale sur la consolidation des comptes des entreprises. L’application de cette norme internationale restera neutre pour les bailleurs. Mais elle aura des effets sur le traitement des engagements dans le bilan des preneurs. Tout contrat de location simple enregistré jusque-là hors bilan et supérieur ou égal à 5 000 euros devra figurer au bilan de l’entreprise. Les engagements de location en crédit-bail seront enregistrés comme des droits d’utilisation à l’actif et reclassés comme des dettes au passif. Cette nouvelle approche comptable va, dans un premier temps, accroître le niveau d’endettement par rapport aux fonds propres, et dégrader par conséquent les ratios d'endettement des entreprises.


Dans ces conditions, les entreprises pourraient-elle changer leurs stratégies d’investissement ?

Certaines entreprises seront peut-être tentées de modifier leur stratégie en privilégiant l’acquisition plutôt que la location en crédit-bail. Si c’est le cas, elles devront peut-être renforcer leurs fonds propres pour acquérir un bien, la banque ne finançant que 60 à 65 % des investissements. Aussi pourraient-elles, pour ne pas diminuer leur ratio de fonds propres dans l’hypothèse d'une location, actionner le levier de la durée des contrats de location. 

La norme IFRS 16 pourrait donc entraîner une réduction de la durée des baux commerciaux. Mais tout dépendra de la nature du bien immobilier considéré. Sur le marché des actifs dits secondaires (tant en termes d’usage que de localisation) comme les biens du secteur tertiaire situés en seconde périphérie de Paris, le rapport de force penche plutôt en faveur des preneurs. Ces derniers seront amenés, compte tenu de l’offre abondante, à négocier des contrats de location plus classiques sur une durée de 3, 6 ou 9 ans au lieu de 9 à 12 ans. Ce qui ne fait pas le jeu des investisseurs qui, pour ces localisations, préfèrent nettement s’engager sur des baux fermes de longue durée.

À contrario, dans certaines zones très recherchées comme le quartier central des affaires parisien, la tendance est à la hausse de la valeur locative du bien. Le taux de vacance dans cette zone n’est que de 2 à 3 % alors que le point d’équilibre se situe autour de 7 %. Sur ce marché marqué par la faiblesse de l’offre, les bailleurs ont tout intérêt à louer sur des durées plus courtes pour tirer profit du potentiel de hausse des loyers. Une chose est sûre : les entreprises devront procéder à des arbitrages entre la réinternalisation des biens immobiliers à travers l’acquisition en direct et la location en crédit-bail ou la location simple. 


Peut-on envisager la fin des contrats en crédit bail ?

Je ne le pense pas. Les entreprises devront d’abord évaluer le coût de rémunération de leurs fonds propres par rapport au coût de leur endettement avant d’envisager l’acquisition en direct de biens immobiliers. Si ce ratio est plus important que le coût de la location en crédit-bail, elles continueront à avoir recours au crédit-bail.


Actuellement, c’est encore le cas. Dans le cadre d’un contrat en crédit-bail, les parties prenantes sont habituellement l’utilisateur qui loue à un investisseur qui, lui, peut faire appel à une banque. Demain, nous pourrions revenir à un schéma plus ancien : l’utilisateur et la banque. Le preneur devient alors l’exploitant en direct. Les banques prêteuses pourraient, elles aussi, revoir leurs positions. 

Avec l’entrée en vigueur de la norme IFRS16 à partir de 2019, elles pourraient assouplir leurs conditions de prêt en acceptant notamment des niveaux d’endettement plus élevés au bilan des preneurs. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.


Ces évolutions auront-elles des conséquences en matière d’évaluation immobilière ? 

Sur les marchés où la demande est supérieure à l’offre, les investisseurs pourraient exiger des baux fermes plus longs et accepter des taux de rendement plus bas que pour des baux classiques, ce qui conduirait à une valorisation supérieure des immeubles. Mais cette tendance pourrait être atténuée dans certaines zones comme le quartier central d’affaires de Paris où les investisseurs pourraient rechercher des baux plus courts pour tirer profit du potentiel de croissance des loyers. 

En revanche, l’appétence des investisseurs est moins soutenue pour la périphérie en raison de la tendance générale à la réduction de la durée des contrats de location. Quoi qu’il en soit, si les preneurs décident de réduire l’externalisation de leur portefeuille pour acquérir des biens en direct, des tensions au niveau de l’offre pourraient apparaître sur certaines classes d’actifs comme les murs commerciaux. Les investisseurs, les assureurs notamment, risquent alors de devoir se tourner vers d’autres actifs tels que les fonds de dette immobilière. Des actifs au risque limité, dont le rendement est toutefois plus attractif que les obligations classiques de l’État.