L’immobilier du bureau pourrait connaître une mutation historique avec l’accélération des nouveaux usages emmenés par le développement des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle et de la connectique. Quel sera l’impact de ces nouvelles tendances sur les produits immobiliers et leur valeur ?
Immeubles tertiaires : nouveaux usages et obsolescence annoncée
Selon les estimations de BNP Paribas Real Estate, plus de 835 000 m² de bureaux de seconde main étaient en état de vacance fin 2015 en Île-de-France. Chaque année, désormais ce sont entre, « 140 000 et 240 000 m² de bureaux, construits sur la période 1987-2000, qui pourraient devenir obsolètes chaque année par rapport à la demande du marché à l’horizon 2030 », prévient l’Observatoire régional de l’immobilier de bureau en Île-de-France (ORIE). Surtout, souligne l’Observatoire dans son rapport : « Le cycle de vie d’un immeuble tertiaire est passé de 25 ans dans les années 1990 à 15 ans aujourd’hui ».
Au risque de voir rapidement leur patrimoine tomber dans l’obsolescence faute de preneurs, les investisseurs sont bien décidés à trouver des solutions pour pérenniser la valeur de leurs actifs. « Encore réticents, il y a quelques années, au changement d’affectation de leurs biens, les investisseurs et les banquiers mènent actuellement une réflexion en profondeur sur le devenir des immeubles. Ils ne peuvent plus faire l’impasse sur l’évolution rapide des formes d’organisation du travail et des attentes des collaborateurs en quête d’une plus grande mobilité. Les nouveaux modes de partage de l’espace en coworking et en corpoworking, à l’extérieur comme au sein de l’entreprise, ou en coliving dans les logements, encouragent cette tendance », confirme Vincent Verdenne, directeur du développement chez BNP Paribas Real Estate Valuation France. Si ce concept n’est pas nouveau en architecture, il est aujourd’hui pris très au sérieux par l’ensemble de la filière immobilière.
Estimer le potentiel de transformation des actifs existants
« La notion de réversibilité d’un bien permet aux investisseurs d’avoir une vision sur le long terme », commente Vincent Verdenne. Ils sont de plus en plus nombreux à chercher à anticiper le changement d’affectation de leurs actifs. Le bâtiment, appelé à évoluer dans un écosystème intelligent, pourrait donc avoir plusieurs vies. « À Paris, les immeubles haussmanniens se prêtent plus facilement à cette transformation que les tours de bureaux des années 1980 dont la structure rigide et les petits espaces laissent peu de place à des aménagements à moindre coût », observe Vincent Verdenne. De fait, l’estimation de la rentabilité de la transformation d’un bien immobilier est fonction de la différence entre le coût des travaux et la création de valeur liée à l’augmentation de loyer et la baisse des taux, selon la localisation du bien, les perspectives de croissance du marché et l’évolution des usages. Il n’est donc pas toujours possible de compter sur la réversibilité d’un actif. Dans ce cas, anticiper les coûts de déconstruction peut s’avérer nécessaire.
Miser sur la flexibilité des nouveaux immeubles
Face à ces problématiques qui se font de plus en plus sentir pour les actifs existants, les promoteurs s’attachent désormais à proposer des produits flexibles, mieux adaptés aux attentes en matière d’usages et de confort. Cette approche suppose le développement de nouveaux espaces tiers et de services que les produits classiques n’offrent pas. « Les promoteurs intègrent ces critères de flexibilité bien en amont dans leurs projets. C’est une tendance forte. Dans les projets de construction, les dimensions des bureaux individuels sont revues à la baisse tandis que les espaces communs dédiés aux échanges et au partage sont plus nombreux et plus vastes », remarque Vincent Verdenne. Puis d’ajouter :
« L’accroissement de la flexibilité des espaces permet ainsi aux investisseurs de réduire les coûts de transformation en louant aux petites comme aux grandes sociétés ».
Adapter le bâtiment au gré de la demande immobilière peut toutefois s’avérer périlleux dans la mesure où les usages évoluent plus vite que les modes de construction. Il faut compter cinq ans en moyenne pour sortir un projet de terre en France. « La création de ces services de coworking et de coliving implique un changement de nature. Leur mise en œuvre nécessite des travaux d’aménagement assez lourds selon des normes drastiques, notamment en termes de sécurité. Dans ces conditions, les promoteurs ont intérêt à anticiper ces besoins très en amont, en accord avec l’investisseur ou les futurs utilisateurs du projet », explique Vincent Verdenne avant de conclure : « Les biens qui ne répondront à ces impératifs de flexibilité pourront se voir décotés dans le futur ».