En France, peu d’organismes prêteurs font appel à un expert en évaluation immobilière au moment de financer un prêt pour un bien à usage d’habitation. Pourtant, cette solution présente de nombreux avantages, y compris pour les consommateurs : impartialité, conseil, garantie de solvabilité… Le point avec Vincent Alascia, Responsable commercial et expert en évaluation immobilière chez BNP Paribas Real Estate Valuation.
En quoi la directive européenne sur le crédit hypothécaire est-elle plus stricte en matière d’expertise en évaluation immobilière ?
Vincent Alascia – La directive européenne du 21 mars 2014 sur le crédit hypothécaire a été adoptée par le Parlement européen en réponse à la crise des subprimes, déclenchée en 2007 aux États-Unis. Elle impose aux organismes prêteurs de faire appel à un expert immobilier dès lors qu’il s’agit de financer un prêt pour un bien à usage d’habitation, qu’il soit garanti ou non par une hypothèque.
La crise des subprimes a marqué les esprits : elle a pointé à la fois l’irresponsabilité des prêteurs et la nécessité de lutter contre les gonflements artificiels des prix sur le marché immobilier. À l’époque, les banques américaines avaient pris d’énormes risques en ne procédant à aucune vérification des capacités financières des emprunteurs.
Encore aujourd’hui, tous les organismes prêteurs ne font pas, ou peu, appel à un expert en évaluation immobilière pour les prêts portant sur des biens à usage d’habitation. Ils le font uniquement – pour certains d’entre eux – dans le cadre de prêts relais dépassant un certain montant. La directive européenne a été transcrite en droit français par l’ordonnance du 25 mars 2016, et reste dans l’attente du décret d’application à paraître au Journal Officiel.
Comment analysez-vous l’impact de cette directive sur la valorisation du bien ?
V. A. – La directive européenne du 21 mars 2014 vise à créer un marché européen du crédit immobilier pour protéger les consommateurs. Elle introduit un document standard contenant les informations précontractuelles indispensables telles que le taux annuel effectif global (TAEG), qui intègre la totalité des intérêts, des frais et des commissions liées à un crédit. Toutes ces informations sur le prêt et les conditions de son obtention aident l’emprunteur à faire le bon choix.
Parallèlement, tout prêteur est tenu d’évaluer la solvabilité du consommateur. L’expert immobilier pourra livrer à l’organisme prêteur une valorisation fiable et impartiale du bien et éviter ainsi toute dérive par rapport aux prix du marché. Aujourd’hui, l’acquéreur n’a personne vers qui se tourner pour bénéficier d’un conseil avisé sur la valorisation de son bien. L’agence immobilière mandatée pour la vente du bien comme le notaire en charge d’enregistrer l’opération sont mal placés pour le conseiller en toute impartialité.Le rapport d’expertise permet, lui, d’informer précisément de la valeur vénale d’un bien immobilier.
Quelles sont les obligations de l’expert en valorisation immobilière ?
V. A. – Aux termes de l’ordonnance du 25 mars 2016, l’organisme prêteur doit veiller à ce que l’estimation du bien immobilier à usage d’habitation financé par un prêt soit faite par un expert en évaluation immobilière.
Selon la charte de l’expertise en évaluation immobilière en France, ces derniers sont tenus à une impartialité et à une indépendance, tant vis-à-vis des biens ou des droits expertisés que de leurs clients ou de leurs donneurs d’ordre. L’expert se doit également de conserver son intégrité – en excluant de céder à toute pression ou influence directe ou indirecte – ainsi que de déclarer et de gérer tout conflit d’intérêts dans chacune de ses missions.
Par ailleurs, et conformément à la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, dans le cadre d’une transaction immobilière nous intervenons soit pour l’acquéreur, soit pour le vendeur, soit pour un tiers ayant intérêt dans la transaction (organismes prêteurs…). Nous avons par ailleurs une obligation de moyens : nous devons justifier notre estimation du bien immobilier par la rédaction d’une étude de marché détaillée et de l’apport de références de transaction. Nous prenons en compte l’ensemble des pièces communiquées par notre client mais aussi tous les facteurs techniques, juridiques, économiques et fiscaux pour établir la valeur du bien.
En apportant la certification du juste prix d’un bien, le recours à un expert immobilier permet ainsi de réduire considérablement les risques, du côté de l’emprunteur comme de l’organisme prêteur.
« Le recours à un expert immobilier permet de réduire considérablement les risques, du côté de l’emprunteur comme de l’organisme prêteur. »
Vincent Alascia
Responsable commercial et expert en évaluation immobilière chez BNP Paribas Real Estate Valuation